Elections législatives de 1981 : la vague rose déferle en Bretagne

Le 10 mai 1981 : un jour presque rose en Bretagne. Après trois présidents de la République issus des différentes familles de la droite, le socialiste François Mitterrand parvient à conquérir l’Elysée, à sa troisième tentative, d’une courte avance avec 51,76% des suffrages face au président sortant Valéry Giscard d’Estaing. Toutefois à l’échelle de la Bretagne, le candidat de la gauche n’obtient que 49,2%. Seules les Côtes-du-Nord ont placé le nouveau président en tête avec 55% des voix. Pourtant, un mois plus tard, lors des élections  législatives, la Bretagne succombe elle aussi à la vague rose.

Document électoral (détail). Archives électorales du CEVIPOF.

Aux débuts de la Ve République, l’écrasante figure du général de Gaulle et le développement du courant politique démocrate-chrétien en Bretagne font que la gauche n’existe quasiment pas lors des élections législatives : aucun député en 1958, 2 en 1962, 5 en 1967, 1 en 1968. Les années 1970 sont un peu plus favorables avec l’obtention de 6 sièges de députés pour la gauche en 1973 et 8 en 1978. Malgré cette évolution sensible, elle demeure largement minoritaire sur les 33 circonscriptions que comptent les quatre départements de la région Bretagne plus la Loire-Atlantique.

Les élections législatives de 1981, dans l’euphorie de la victoire mitterrandienne, voient une vague rose déferler sur la Bretagne. Pour la première fois, la gauche est devant la droite au premier tour avec 51,1% des voix. Mieux, au second tour, 19 députés bretons de gauche sont élus. Pour autant cette performance globale de la gauche recouvre une réalité beaucoup plus nuancée : quand le parti socialiste améliore ses scores – par rapport à 1978 – de près de 40% ; le parti communiste perd près de 40% de ses électeurs. C’est ainsi que la totalité des députés de gauche sont des socialistes.

Lors des élections législatives de 1981, c’est une nouvelle génération d’hommes politiques qui, après avoir émergé notamment lors des élections municipales de 1977, occupe désormais le devant de la scène de la vie politique bretonne. La télévision régionale, au lendemain du second tour, dresse le portrait des 10 nouveaux députés socialistes1 : Yves Dollo à Saint-Brieuc, Bernard Poignant à Quimper, Didier Chouat à Loudéac, Joseph Gourmelon à Brest, Maurice Briand à Guingamp, Jean Beaufort à Carhaix-Châteaulin, Edmond Hervé et Jean-Michel Boucheron à Rennes, Jean Peuziat à Douarnenez et Jean Giovanelli à Hennebont. Tous des hommes bien entendu, la parité en politique n’en est même pas au stade embryonnaire... Tous plutôt jeunes, puisque mis à part le Douarneniste, ils ont tous moins de 50 ans. Leur engagement en politique est assez récent, comme Maurice Briand qui a adhéré au PS en 1974. Parmi eux, seul Edmond Hervé dispose d’une envergure politique de premier plan : il a arraché la mairie de Rennes en 1977 aux mains des démocrates-chrétiens héritiers d’Henri Fréville et il vient d’être nommé ministre de la Santé du premier gouvernement Mauroy. Les autres ne sont encore que des seconds couteaux : Jean Giovanelli est maire d’Inzinzac-Lochrist, sa « commune natale » ; Jean Peuziat est adjoint au maire de Douarnenez ; Maurice Briand est adjoint au maire de Guingamp…

Document électoral (détail). Archives électorales du CEVIPOF.

En définitive, le fait que le parti socialiste devienne le « premier parti de Bretagne » lors des élections législatives de 1981 montre à quel point la logique présidentielle de la Ve République est un accélérateur de tendances politiques profondes, ainsi qu’un catalyseur du renouvellement du paysage politique.

Thomas PERRONO

 

 

1 INA – L’Ouest en mémoire. « Portrait des nouveaux députés », FR3 Bretagne, Rennes soir, 22/06/1981, en ligne.